Master scope
Positionnement stratégique du Master
Les compétences attendues de l’ingénieur ont changé. L’ingénieur intervient désormais dans des entreprises flexibles qui se différencient face à une concurrence mondialisée par leur capacité de produire ou faire produire, maîtriser et faire valoir de l’innovation stratégique. Il intervient aussi, il ne faut pas l’oublier, dans des collectivités territoriales, dans les services techniques des administrations centrale (nationales, européennes ou internationales) confrontées elles aussi à la question de la « performance globale », de « l’excellence » ou des « pôles de compétitivité ».
- Développer un halo de compétences globales pour l’ingénieur contemporain
- Une incorporation croissante des services dans une offre de système
- Le rôle déterminant des actifs intangibles
- Un déplacement en amont et en aval de ce que l’ingénieur avait l’habitude
- La financiarisation des procès industriels et l’exigence de modélisation du complexe
À côté du noyau technique de sa formation qui de trouve mobilisée dans la production directe, dans la maintenance, dans les départements R&D, sur les lignes de produits, sur des procédés ou sur une capacité d’expertise ou de veille technologique, on voit se développer un halo de compétences globales. Ces dernières sont beaucoup plus floues, soit qu’elles mobilisent une réelle interdisciplinarité ou des spécialisations éloignées, soient qu’elles réclament de l’ingénieur une culture générale humaine et technique. Que l’ingénieur ne puisse pleinement jouer son rôle d’organisateur de la société industrielle (Saint-Simon) est une vieille évidence. Que l’émergence d’une réelle culture de la technique passe par un rôle indispensable des sciences humaines et sociales et plus simplement des vieilles humanités, c’est ce qu’avait compris Deniellou, le fondateur de l’UTC. Mais la globalisation de la performance requise désormais de l’ingénieur a atteint un degré supérieur qui se traduit par de nouvelles exigences des employeurs dans les recrutements et dans les trajectoires de carrière. Des métiers émergent à côté de ceux des ingénieurs de production, des ingénieurs commerciaux, voire même des ingénieurs de recherche. Ils mobilisent la maîtrise de l’interaction dans les systèmes complexes, la production de connaissances nouvelles, la création ou la valorisation économique de processus et de solutions et plus simplement la production de systèmes complexes par des produits et des procédés.
Cette mutation traduit une incorporation croissante des services dans l’activité industrielle directe et la mobilisation d’une compréhension des environnements juridiques, institutionnels, écologiques, bioéthiques dans lesquels évoluent les entreprises. Les grandes firmes se réorganisent très profondément selon des réseaux de fournisseurs, de sous-traitants, de partenaires, de consultants, de clients qui sont tout à la fois leur matière première, leurs ressources ou leur capital intangible. Cette transformation exige désormais des ingénieurs qu’ils se projettent hors de l’organisation hiérarchique classique (verticale ou matricielle dans la firme décrite par Chandler) : polyvalence, gestion de projet, conception produits et services orientés vers l’utilisateur, maîtrise de l’interface entre des cultures .
Cette injonction est d’autant plus puissante qu’au niveau macro-économique et global (celui de la corporate governance, de la nouvelle gouvernance des territoires et des Etats) les exigences financières des actionnaires (share holders) entendent faire pratiquer par les cabinets consultants le benchmarking. Cette exigence de comparaison de segments fins de la production qui doit devenir modulable et découpable, cessible pour pouvoir être évaluée à tout moment selon la fair value (valeur actuariale et non plus valeur de la comptabilité traditionnelle). C’est ce que l’on appelle la financiarisation de la production ; quelle que soit la nature de l’activité, industrielle, tertiaire, elle doit exprimer une valeur de résultat (outcome) et non de produits (ouput)1. Cet outcome présente d’autant plus de valeur économique qu’il parvient à incorporer des éléments produits à l’extérieur de l’entreprise (externalités positives) dont la valeur débordent leur prix d’output, voire leur prix de marché.
Si le système des prix de marché des inputs de la production matérielle est rôdé et connu, il n’en va pas de même des immatériels ou intangibles (actifs immatériels tels l’organisation, les connaissances codifiées ou valorisés (logiciels, bases de données, brevets, marques, droits d’auteur) mais aussi les connaissances vivantes (réseaux, organisation, capital intellectuel , ressources humaines, confiance ). Ce sont sur ces espaces encore flous que vient se greffer la finance qui tente de résoudre le problème de leur incertitude, de la difficulté de leur évaluation stable (problème du goodwill qui peut arriver à doubler, tripler la valeur d’une firme lors de son acquisition ou fusion).
De la conception et réalisation de processus et solutions, à l’évaluation boursière des entreprises ou au certificat de « bonne gouvernance » délivrés aux Etats par les organismes internationaux de la mondialisation (FMI, Banque mondiale, OMS, OMPI, OMC) il y a un même fil conducteur qui constitue la nouvelle culture productive. L’ensemble de la chaîne de la valeur est non seulement déplacée en amont et en aval de ce que l’ingénieur avait l’habitude de prendre pour son objet, elle est désormais éclatée en segments.
Les possibilités d’innovation (qualité, produits, procédés, processus, milieu de vie) s’inscrivent dans ce cadre. Les ingénieurs des pays du Nord ont longtemps été protégés de la concurrence par la qualité de leur noyau technique. Il se pourrait qu’aujourd’hui la localisation des entreprises, des emplois, soit davantage liée que par le passé (même si cela a toujours été le cas) à la qualité et au degré d’innovation incorporé dans la compétence globale.
La compréhension de ce cadre d’ensemble de transformations qui se décline au niveau des entreprises, des réseaux, des doits de propriété, des Etats, du management de la connaissance comme des ressources humaines, des instruments financiers et comptables, constitue les nouvelles humanités de l’ingénieur. Ces éléments sont largement imprégnés d’économie, de gestion. Les questions sociologiques qui traitent de l’organisation en vue de coopérer pour l’innovation ou de minimiser le risque, comme les questions philosophiques de l’éthique, de la déontologie et de l’éco conception des produits, des procédés et des systèmes d’information ou de délibération, demeurent vouées à des déclarations d’intention. Elles ne pèsent pas lourd dans le langage financier, juridique et communicationnel des firmes ou des collectivités publiques et territoriales.
Le schéma suivant représente la transformation de la compétence de l’ingénieur contemporain.
Ce schéma illustre l’emboîtement et la complémentarité des deux compétences globales qui viennent graviter autour du noyau technique de la formation de l’ingénieur.
La crise de 2007-2009 a mis plus crûment en évidence l’importance de la prise en considération de la véritable nature du complexe dans la formation des ingénieurs. La crise financière a conduit à s’interroger sur le type de mathématiques utilisées dans les modèles des banques pour arbitrer sur le marché des produits dérivés. Benoît Mandelbrot, le père de la théorie des fractals, reprenant ce qu’il avait déjà dit en 1964, s’est livré à une appréciation très sévère de ces dernières. Selon lui il était inévitable que des choses très graves se produisent. L’urgence de solutions industrielles aux défis écologiques requiert la prise en compte de la nature des écosystèmes complexes pour rebâtir une industrie verte.
Affronter le complexe avec des instruments de modélisation pertinents et intervenir dans des écosystèmes constitueront désormais les piliers de la culture de l’ingénieur. La création de ce parcours au sein d’une spécialité de Master UTC répond à cette exigence.